7 mars 2013

Le travail de Julien Tibéri

Les Emissions Parallèles

"Prodrome
Les objets sont marqués du sceaux de leur époque de création. La visite d’un marché aux puces confronte celui qui se promène parmi les étals à un entrechoquement de styles et d’usages qui sont autant de signes du passé. Simplement, au lieu de se présenter avec l’intelligibilité chronologique de l’Histoire, ces temps sont enchevêtrés les uns dans les autres au bon vouloir du camelot. Les amateurs de brocantes cherchent tous la pièce rare pour un prix correcte. Dans ce type de transaction, le gagnant est toujours celui qui possède le plus de connaissances sur l’objet en vente. Il est donc possible d’acheter une toile de maître au prix d’un tableau réalisé par un inconnu mais l’inverse est aussi probable. Ce jeu est un des attraits des puces que les faussaires exploitent pour réaliser des bénéfices. Cependant l’époque est bien faite puisque le temps post-moderne permet aussi d’acheter du faux au prix du faux ! Si Julien Tiberi était un antiquaire son étal recélerait une marchandise particulière. Il s’agirait de faux tout à fait authentiques dont l’intérêt serait, entre autres, de mesurer l’écart qui les sépare des originaux et d’observer ensuite ce qui peut prendre place dans cet espace
puisque certaines choses ont horreur du vide !



Concernant leur facticité, il serait difficile de se tromper. En effet, en examinant attentivement un dessin, on se rendrait compte qu’il s’agit de la photocopie ou de la photographie d’un original. L’illusion du véritable étant dissipée sans déceptions, les pastiches stylistiques de Julien Tiberi étonneraient alors par l’importance accordée au temps historique de la modernité qui traverse son travail de part en part. De Daumier à Victor Moscoso, l’époque moderne est un répertoire de styles et de récits parmi lesquels l’artiste sélectionne quelques éléments qu’il rejoue au présent pour abolir les chronologies. Chaque élément prélevé sur le passé étant le signe d’un contexte précis, les pièces qui en résultent peuvent être abordées comme des démontages et des remontages du temps historique au profit d’une diachronie personnelle. Figure récurrente de ce mikado de périodes, l’uchronie est régulièrement convoquée pour ses qualités narratives autant que critiques. Ce terme qui est fondé sur le modèle « d‘utopie » désigne un univers parallèle au notre mais ayant une origine commune. Il résulte d’un changement fictif dans le cours de l’histoire de l’humanité. La plus célèbre des uchronies est une fiction de Philip K Dick intitulée Le Maître du Haut-Château (1962) qui se déroule aux Etats-Unis après une seconde guerre mondiale gagnée par l’Allemagne et le Japon. Paradigmatique, l’ouvrage se conclu d’ailleurs par une mise en abîme de l’uchronie. Signe de ce rapport désinvolte à l’Histoire officielle, l’univers de Julien Tiberi est peuplé de personnages hauts en couleurs dont le choix procède souvent d’un goût de happy few pour des trajectoires baroques dont l’oubli n’est dû qu’à un caprice de l’histoire. On croise ainsi Victor Moscoso dessinateur psychédélique, Joe Meek, suicidaire producteur de musique pop ou encore Clare Briggs Jr., auteur de comics du début du XXe siècle dont les aventures du personnage Danny Dreamer fonctionnaient toujours selon deux réalités parallèles, l’une rêvée, l’autre vécue. Ce choix de figures méconnues souligne que l’histoire est une construction fonctionnant selon un mode exclusif. C’est pourquoi, si ces bannis avaient eu la reconnaissance qu’ils méritent notre présent serait certainement tout autre. A travers ses dessins et ses installations Julien Tiberi semble vouloir capter les signaux que ces univers parallèles paraissent émettre en permanence. Pour ce faire, il n’est pas rare qu’il
emprunte à la science et à la science-fiction des formes qu’il réinvestit dans des dispositifs capables de retransmettre ces bribes d’informations dans l’espace d’exposition. Il en résulte ainsi que le moment de coprésence des oeuvres et du visiteur n’est jamais laissé au hasard et que nombre de projets se pensent de façon à intégrer le lieu.

Sur l’étal du brocanteur Tiberi, l’article le plus fascinant serait certainement l’installation intitulée l’Axonault dont le dispositif de cimaise cache sur son envers un aquarium où évoluent deux axolotl. Ces urodèles capables de se reproduire à l’état larvaire ont l’extraordinaire faculté de prolonger cette condition et leur existence tant qu’ils demeurent immergés. Symboles d’un temps immobile, ces animaux semblent offrir un point fixe à partir duquel contempler la vertigineuse infinité des présents.
Fin du Prodrome"

Aurélien Mole, 2009

Le travail de Jimmy Robert & Kate Davis


"Le travail de Jimmy Robert porte sur la performance et l’expérience des limites : des œuvres, de son corps, de l’identité elle-même et des disciplines que l’artiste investit. Touchant la sculpture comme le dessin, le cinéma comme le mouvement, sa pratique questionne à la fois le décalage et l’intersection entre image et langage et envisage le geste en tant que forme.
La pièce, Une conversation entre A et B, présentée pour l’exposition RE: et réalisée en collaboration avec Kate Davis, évoque la question du genre, le cours de dessin et ses paramètres et finalement la question de la limite de la représentation et du discours."