Ce qu’il y a de bien avec Guillaume Pinard c’est qu’il prend toujours le visiteur par surprise. Ce n’est pas de tout repos pour celui qui pense connaître ses gammes. On l’attend avec des dessins, il se (re)met à la peinture. On spécule sur des animations avec ses fameux dessins muraux au graphite comme au Carré Sainte-Anne.
À Cajarc, Guillaume Pinard a planqué un trésor parmi des œuvres qui taraudent les limites de l’archive et de la recherche. L’artiste s’est mué en archéologue de sa propre pratique : ses tableautins se retrouvent à part sur une table d’examen, des moulages en plâtre s’accumulent sur des étagères, les murs deviennent support du trait minutieux d’un crayon. Pinard expose aussi ses drôles de collusions ou le mariage improbable de Gérôme et Jack Kirby (auteur de comics américain), de Dürer et Klossowski. Qu’on se le tienne pour dit, le « Trésor » - titre de l’exposition - que nous offre Pinard, c’est de pénétrer dans sa boîte crânienne, une soupe de cerveau, éclectique, illogique, agitée. Dans un de ses dessins, l’artiste s’est représenté, le visage tartiné de mousse à raser. Une figure décentrée qui se fait la métaphore de ce qui se trame ici, entre prosaïsme et grande référence, entre la pratique du quotidien et la grande tradition de l’autoportrait au miroir. Guillaume Pinard écrit à Cajarc un nouveau chapitre de son travail après avoir publié cette année Un art sans destinataire, entre retrouvailles et nouveau départ. Une chasse au trésor.
Bénédicte Ramade.
L'Oeil n° 651 - Novembre 2012
Rencontre avec Guillaume Pinard
Guillaume Pinard a été élève à l'Ecole des Beaux-Arts de Rennes. Son champ d'action est large : écriture, création de dessins et de dessins animés, peinture, installations ...
Guillaume Pinard se qualifie comme un "rat des musées" à la fois passionné par l'histoire de l'art et l'art contemporain.
C'est Géraldine Pastor-LLoret qui a fait appel à lui pour l'Exposition RE:, notamment pour le travail de dessins muraux au fusain qu'il avait déjà entrepris au Musée des Arts George Pompidou à Cajarc. L'espace d'exposition de l'ISBA se prête très bien à cet exercice. Ce dessin mural, assez monumental, serait aussi un bon moyen de transmettre une technique aux étudiants de l'ISBA. En effet, réaliser deux dessins muraux de cette grandeur en quelques jours nécessite un peu d'aide ... Huit étudiants ont donc suivi et participé à la réalisation de deux fresques, l'une reprenant "L'Ivresse de Noé" de Giovanni Bellini et l'autre un dessin de Salvador Dali préparatoire à la conception d'une scène de rêve dans le film "La maison du Docteur Edwardes" d'Alfred Hitchcok.
Comment le choix des oeuvres s'opère-t-il ?
Quand il a été invité pour l'exposition RE:, il a pris le temps de regarder les tableaux exposés dans les musées de Franche-Comté, puis a fait une sélection de plusieurs d'entre eux. Très vite, le Bellini a été retenu. Guillaume Pinard a trouvé l'histoire de ce tableau intéressante : la réflexion sur le regard y est importante et il aimait l'idée de jouer avec la place du spectateur. Entre pudeur et voyeurisme, pouvons-nous tout regarder ?
Le dessin de Dali a été choisi dans un second temps. Il s'est imposé naturellement comme commentaire possible au tableau de Bellini.
Quelle est la technique utilisée pour la réalisation de ces dessins muraux ?
Un outil qui, pourtant, n'était pas celui que préférait l'artiste : le fusain. "J'ai utilisé cet outil tardivement à l'occasion d'une exposition à l'école des Beaux-Arts de Pau en 2008. J'avais alors dans l'idée de réaliser un grand dessin mural représentant un ciel orageux. Mon expérience m'avait auparavant fait préférer la peinture ou les feutres pour ce type d'exercice, mais le choix de représenter des nuages m'a orienté vers ce matériau poudreux qui ouvre un large spectre de muances et de matières. Réaliser un dessin monumental dans un temps de montage souvent très court est toujours une expérience très exaltante, physique. C'est une immersion totale dans la matière du dessin où l'on forme et fait apparaître une image en impliquant tout son corps."
Guillaume Pinard et les élèves de l'ISBA ont commencé par projeter les contours des tableaux, pour placer des repères, comme s'ils décalquaient. Puis, ils ont commencé à "remplir" ces lignes, travaillant sur les nuances, les ombres, l'éclairage ...
Pendant quatre jours, nous avons pu voir les dessins muraux se révéler.
La particularité de cette oeuvre est son rapport au temps. Le fusain étant une matière très volatile et indisciplinée, l'artiste nous a expliqué que la matière ne pouvait pas être fixée au mur. Un coup de vent et tout s'envole ! Cette pièce va donc vivre et bouger tout au long de l'exposition, mais personne ne peut déterminer l'évolution qu'elle aura.
Retrouvez le travail de Guillaume Pinard sur :
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