La performance de Diogo Pimentao à l'ISBA de Besançon lors de l'ouverture de l'exposition RE: le 24 janvier dernier.
"L’axe central du travail de Diogo Pimentao est la pratique du dessin, conçue comme une forme de contact entre une matière et un support par le moyen d’un geste répétitif, parfois aveugle ou protocolaire. Sa recherche associe, par le moyen de la trace ou de l’empreinte, de la ligne ou du tracé, l’aléatoire à une technique maîtrisée. La feuille peut être pliée, enfouie dans des supports, ou posée par terre afin d’y imprimer des mouvements.
Son recours à la performance est une forme de partage de cette expérience élargie du dessin, au cours de laquelle il s’engage dans des phases de fabrication de ses pièces. Il donne ainsi des pistes pour appréhender ses dessins sur papier, les sons et les gestes qui y sont, en quelque sorte, imprimés. Le graphite, qui peut être solide ou poussière, est la source de nombreux dessins. La trace d’un geste soigneusement chorégraphié ou l’empreinte de son corps en mouvement se fixent sur une surface. "
"Héritier comme d’autres des principes du modernisme, il s’intéresse plus à la manière de représenter qu’à la chose représentée ou reproduite. Il lui arrive de montrer, en guise d’installation, une table jonchée de divers instruments, dont les mines de plomb avec lesquelles il dessine comme un dévoilement (fictif) de l’atelier…
Diogo Pimentao raconte qu’il y a plusieurs manières de dessiner, selon que l’on est, ou non, un dessinateur savant : dans le premier cas, le plus élémentaire, notre cerveau envoie des informations au bout de mes doigts ; dans le second, il les envoie à notre poignet ; et dans le troisième, le plus élaboré, à notre épaule. L’amplitude du geste induit alors la concision du trait. C’est ainsi que travaillent les lettrés chinois calligraphes… Il cite volontiers un propos de Rainer Maria Rilke à propos du dessin : « Quand j’écris, je ne regarde pas la pointe du porte-plume. » Ses traits, qui engagent tout le corps de celui qui dessine, sont une manière d’explorer, d’arpenter et de construire des espaces absents, ou invisibles (sans pour autant qu’ils soient cachés)…
Parfois encore, Diogo Pimentao installe une feuille au sol de son atelier, devant le mur sur lequel il travaille ; il en ressort une œuvre faite des marques laissées par la chorégraphie disparue à laquelle l’artiste s’est livré pour une autre création…Le revers d’une œuvre…
Chez Diogo Pimentao, le dessin s’apparente à une tentation d’organiser l’espace - mais en faisant toute sa place au désordre."
Anaël Pigeat, Diogo Pimentao Au-delà du dessin, Art Press 390, juin 2012.